vendredi 9 mai 2008

La Majorité Assourdie

La Majorité Assourdie

Personne ne veut une autre guerre - alors pourquoi semble-t'elle inévitable ?
Par Justin Raimondo
Traduit par Petit Sanglier de: http://www.antiwar.com/justin/?articleid=12812

Les premiers coups de feu de ce qui paraît être une guerre civile libanaise renouvellée ont retenti il y a trois jours alors que le gouvernement soutenu par les Etats-Unis frappait le Hezbollah, le principal parti d'opposition, d'une interdiction sur le réseau privé de télécommunications du groupe et d'une tentative d'écarter un sympathisant supposé, le Brigadier Général Wafiq Shuqeir, de son poste de responsable de l'aéroport de Beyrouth. C'est clairement une provocation: le Hezbollah, qui a combattu les Israéliens pendant la guerre de 2006, ne va pas abandonner son infrastructure de communication. Après tout, c'est le Hezbollah, et non pas l'armée libanaise, qui a résisté pendant que les Israéliens faisaient pleuvoir des bombes sur les civils libanais, en tuant et en blessant des milliers, détruisant des maisons, des usines, et des lieux de prière. L'armée est restée dans ses casernes tandis que le Hezbollah se battait au Liban. Mais ça ne compte pas. Le gouvernement libanais, soutenu par les Américains et

Ceci fait partie d'une bataille régionale qui s'annonce, qui transformerait le Moyen Orien en un chaudron de flammes et de sang. Cette perspective tragique n'inquiète pas le Parti de la Guerre: ils attendent ce moment depuis des années. C'est le moment de leur triomphe.

Alors que les gens normaux vivent leur vies - payant les factures, élevant les enfants, plongés dans le quotidien et ses aspects de plus en plus difficiles qui dominent leurs vies - nos élites nous préparent une surprise. On pourrait l'appeler la Surprise d'Octobre [Aux Etats-Unis, les campagnes électorales préparent souvent un coup médiatique pour le mois d'octobre, un mois avant l'élection], bien que la rumeur la place pendant l'été.

Le deuxième chapitre de la Grande Guerre du Moyen Orient est en train d'être écrit, et ses auteurs à Washington ont en tête un scénario encore plus dramatique que ce que nous avons pu observer dans le premier chapitre, qui était bien entendu l'invasion de l'Irak. Lors de la préparation du conflit, on nous a dit que Saddam Hussein avait des armes de destruction massive, des liens avec Al Quaeda, qu'il était prêt à attaquer nos alliés dans la région, et même les Etats-Unis. Rien de tout cela n'était vrai, nous le savons maintenant, mais comme John McCain le dit, "on y est maintenant," "on y est pour gagner"; et gagner signifie apparemment étendre la guerre à l'Iran.

En un remake des informations menaçantes filtrées au cours des années précédant la guerre en Irak, on nous abreuve d'une campagne de propagande qui décrit l'Iran comme le coupable de l'échec de l'occupation, ignorant l'impossibilité innérante de soumettre un peuple occupé. Depuis Judy Miller, le New York Times a été le lieu favori des néo-conservateurs pour la propagande de guerre, et maintenant il produit un nouveau rapport selon lequel le Hezbollah entraîne des milices irakiennes dans la banlieue de Téhéran.

Ici nous avons un grand pot-au-feu qui inclut pratiquement tous les "méchants": le Hezbollah, les milices irakiennes, et les Iraniens. Si nous entendons demain que Oussama Ben Laden lui-même est personnellement en train d'instruire les recrues de ce "camp d'entraînement" et de planifier un autre 11 septembre avec leur aide, personne n'en sera surpris. C'est Halloween au printemps: tous les fantômes et les trolls sont de sortie, hurlant et dansant sous la lune.

Avec les pertes américaines en hausse au cours du mois dernier et la situation sur le terrain qui se dégrade progressivement, le Parti de la Guerre veut saisir l'opportunité de cibler Téhéran, en se positionnant pour lancer l'Opération Liberté Iranienne sous prétexte de "défendre" les troupes en Irak. Mais d'abord il faut une provocation, un incident catalytique qui crée une atmosphère de "crise" et qui inspire nos va-t'en-guerre - et les leurs - à agir.

Le Liban est une poudrière, les Balkans du Moyen Orient, et le "gouvernement" - qui n'en est pas vraiment un, puisqu'il lui manque un président - a allumé la mêche. Depuis 17 mois, les deux camps sont enfermés dans une confrontation avec peu d'espoir d'arriver à une résolution pacifique, et les étrangers - les Américains, les Israéliens, les Syriens, les Saoudiens - sont en train d'envenimer la situation.

Au milieu de ce tumulte, alors que des factions armées participent à des batailles de rues et qu'un pays qui était autrefois le joyau du Moyen Orien est noirci par les flammes de la guerre, où se situe l'intérêt américain ? Que gagneraient les Etats-Unis à lancer la Troisième Guerre Mondiale ?

La réponse est clairement: rien. La guerre avec l'Iran mettrait nos troupes d'Irak en danger et plongerait toute la région dans le chaos: les conséquences économiques seulement devraient être suffisantes pour nous en empêcher. Des rumeurs de barril de pétrole à $200 animent déjà les marchés. Attendez de voir ce qui arrivera aux prix lorsque le Golfe Persique deviendra impossible à naviguer.

Qui profitte d'une telle guerre ? Pas les Libanais, qui ont souffert suffisamment pendant des années et qui ne veulent que vivre en paix. Pas les Iraniens non plus, qui ploient sous le poids des sanctions économiques imposées à l'instigation des puissances occidentales. Et surement pas le peuple Américain, se méfiant de la guerre, qui veut quitter l'Irak et n'a aucun désir de "libérer" un autre candidat à l'émancipation "démocratique".

Le lobby israélien aux Etats-Unis en appelle à la confrontation avec l'Iran depuis le fameux "Mission Accomplie". L'AIPAC, le puissant lobby de l'état juif, a fait de la "menace" iranienne le point central de son action législative et "éducatrice". Les alliés néo-conservateurs du lobby réclament un nouveau conflit, utilisant leurs positions-clés comme journalistes, éditorialistes, gourous de think tanks, et bavards télévisés pour exciter le pays à la guerre. Et les néoconservateurs proches du pouvoir, centrés autour du bureau du vice-président, poussent dans le même sens à l'intérieur du gouvernement, avec quelque succès.

Le peuple d'Israël sera le grand perdant si, ou plutôt quand, la guerre sera déclenchée. Les élites de pouvoir, par contre, ont plein de choses à y gagner. A la fois en Israël et aux Etats-Unis, où les problèmes économiques et les scandales à répétition menacent leur main-mise sur le pouvoir, les élites auront un répit bienvenu pour ne pas avoir à expliquer leurs échecs, et un nouvel "ennemi" à accuser. Les dirigeants des deux pays ont désepérément besoin de changer le sujet, et de détourner la vague de haine contre eux en conjurant une "menace" externe. Les deux régimes sont au milieu d'une crise politique et pourraient utiliser une bonne vieille guerre pour canaliser les frustrations et l'hostilité de leurs citoyens et de leur souffrance quotidienne dans une direction avantageuse. C'est le plus vieux des tours de prestigiditation, et il fonctionne.

Nous sommes au milieu d'une campagne présidentielle, et pourtant aucun candidat d'envergure n'a sonné l'alarme sur le fait assez évident que nous sommes au bord d'un conflit militaire majeur. En fait, deux d'entre eux accueillent avec bienveillance cette possibilité, pendant que le troisième, le favori Démocrate qui doit son status à ses prises de position anti-guerre, n'a fait qu'adresser le sujet indirectement.

C'est comme dans un de ces rêves où vous criez et qu'on n'entend aucun son, et que personne n'entend vos appels à l'aide. Les militants de la Paix pourraient aussi bien être des fantômes vivants, dont les mains passent à travers la matière et dont les voix se confondent avec le souffle du vent. Nous sommes invisibles et inaudibles: la Majorité Assourdie.

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